La discrimination des PVVIH au sein des cabinets dentaires : une réalité persistante

La discrimination des PVVIH au sein des cabinets dentaires : une réalité persistante


Malgré les avancées médicales et les campagnes de sensibilisation, l’accès aux soins de santé pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) reste marqué par des discriminations et des stigmatisations persistantes, notamment dans le domaine des soins dentaires. La Plateforme Prévention Sida en collaboration avec l’Observatoire du sida et des sexualités de l’Université Libre de Bruxelles, a réalisé une enquête en 2024. La 1ère partie, sous forme de questionnaire, portait sur l’expérience des PVVIH avec les professionnel·les de la santé. Au total, 152 PVVIH résidant en Belgique ont participé à l’enquête. La 2ème partie a été réalisée sous la forme d’une enquête téléphonique : une équipe de testeur·euses a contacté 200 cabinets dentaires (sur base d’un échantillon raisonné regroupant des cabinets de Bruxelles et de Wallonie) avec pour objectif d’observer les réactions des professionnel·les lorsque le statut sérologique du·de la patient·e était mentionné après la prise de rendez-vous.

Parmi les appels téléphoniques, trois rendez-vous ont été annulé après la révélation du statut sérologique, et 53 (26,5 % de l’ensemble des appels) ont été reprogrammés en fin de journée. Une pratique que 58,5 % des dentistes concerné·es ont justifié par la nécessité de précautions supplémentaires (telle que la stérilisation accrue), alors qu’ils·elles sont tenu·es d’appliquer les précautions universelles pour tou·tes, ainsi que de respecter la loi belge sur la non-discrimination.

Ces comportements traduisent une méconnaissance persistante du VIH, des avancées scientifiques et du principe i = i (indétectable = intransmissible, une PVVIH qui suit son traitement ne transmet plus le VIH), tant chez certain·es soignant·es que chez le personnel administratif, et ce malgré les efforts de sensibilisation menés auprès des professionnel·les de la santé.

L’une des conséquences les plus préoccupantes de la discrimination est qu'elle peut avoir un impact direct sur l’accès aux soins pour les PVVIH. En effet, 48% des répondant·es à notre enquête affirment avoir subi une discrimination de la part de professionnel·les de santé en raison de leur statut sérologique. De plus, 76% des cas de discrimination signalés se sont produits au cours des dix dernières années, ce qui illustre la persistance de comportements problématiques. Enfin, 33 % des cas de discrimination rapportés concernent un·e dentiste, faisant de cette spécialité la plus souvent citée par les répondant·es. Cette discrimination a un impact réel : 13 % des répondant·es indiquent ne jamais consulter de dentiste, ce qui représente un enjeu important, car une prise en charge insuffisante des infections bucco-dentaires pourrait ainsi affecter la qualité de vie des PVVIH et favoriser des complications infectieuses évitables.

À la lumière des résultats de cette enquête, plusieurs recommandations sont proposées pour améliorer l’accès aux soins dentaires des PVVIH en Belgique et pour réduire les pratiques discriminatoires observées dans certaines cliniques dentaires :


1. Politiques de tolérance zéro envers la discrimination dans l’accès aux soins dentaires : Les cliniques dentaires et les établissements de santé devraient adopter des politiques claires et fermes interdisant toute forme de discrimination à l’égard des PVVIH. Ces politiques devraient être accompagnées de sanctions appropriées en cas de non-respect, afin de garantir un environnement de soins équitable pour tou·tes les patient·es.


2. Formation et sensibilisation des professionnels de santé dentaire : Les dentistes et autres professionnel·les de la santé dentaire devraient être formés à la gestion des patient·es vivant avec le VIH, en mettant l’accent sur les précautions universelles, la confidentialité et l’importance de la non-discrimination.

 

3. Promouvoir un environnement de soins inclusif et respectueux : Les cliniques dentaires doivent garantir que toutes les informations concernant le statut sérologique des patient·es soient protégées (par exemple, en évitant de mentionner le statut sérologique de la personne dans un document interne consultable par tout le monde). Il est nécessaire de mettre en place des protocoles de confidentialité stricts et de sensibiliser les patients sur leurs droits en matière de confidentialité. L’environnement de soins doit être un espace sécurisé où les PVVIH peuvent se sentir respectés et protégés.

 

4. Évaluation et suivi des pratiques de soins : Des audits réguliers et des évaluations devraient être réalisés pour s’assurer que les politiques de non-discrimination sont bien mises en œuvre. Les cliniques doivent être tenues de prouver qu’elles respectent les principes de non-discrimination, et (ceci concerne moins les dentistes directement que les organismes de supervision) des mécanismes de plainte et de recours doivent être facilement accessibles pour les patients qui estiment avoir été victimes de discrimination (cela nous semble pertinent que, comme dans les hôpitaux, il soit clairement indiqué dans les cabinets dentaires vers qui les patients peuvent se tourner en cas de mauvais traitement).